petit essai sur les quyên

On a dit que les quyên étaient une bibliothèque de technique de base et de combat, une gymnastique corporelle destinée à améliorer la santé par une mobilisation de l’ensemble du corps, une gymnastique corporelle destinée à formater le corps, enchaînement permettant l’amélioration du système neuro-musculaire par le développement de la motricité qui améliore les connexions synaptiques.

On l’a dit également, le quyên est destiné, et je dirai en priorité, à améliorer la structure corporelle de celui qui utilise l’outil régulièrement. Améliorer la structure, c’est améliorer les bases propres de la discipline. Tout comme un musicien, ces bases sont des gammes qu’on améliore sans cesse afin de peaufiner sa technique et tendre vers l’excellence.

En ce sens, qu’est-ce qu’un quyên de base ?

C’est un enchaînement permettant d’acquérir les fondamentaux par la répétition avec un minimum d’explications verbales.

Il ne faut pas nécessairement y voir des techniques de combat au sens strict mais l’apprentissage et le perfectionnement d’une gestuelle développant les qualités nécessaires à des techniques de combat efficientes.

Un de mes élèves était une force de la nature et répétait les bases sans cesse. Il les répétait inlassablement, c’est aussi une des raisons pour laquelle il était si fort…

Alors qu’il commençait à enseigner aussi aux enfants débutants, donc les bases qu’il maîtrisait si bien, il me demanda un jour à quoi servaient les quyên de base puisque les enfants le lui demandaient en cours. Lui-même, n’ayant pas de réponse pédagogique à leur apporter.

Je lui dis alors, de demander au Maître, puisqu’il venait en stage quelques semaines plus tard. Etant aussi timide qu’il était fort, il me demanda de demander au Maître moi-même.

Je posais la question au Maître, il ne me répondit pas, mais durant le stage, il expliqua que comme certains le lui avait demandé, il exécuterai un quyên de base, le Bộ Pháp Nhap Môn (ou Bộ Pháp Quyên, nous reviendrons sur cette terminologie et le pourquoi du changement) tel qu’il devait être exécuter au final….. après quelques années de répétitions.

Là, stupeur, les quelques anciens présents ont redécouvert cet enchaînement.

Je me suis attaché par la suite à le montrer et l’expliquer en stage, mais cela ne motivait, hélas, que quelques mordus, du même format que mon « ancien » cité plus haut.

En principe, il ne devrait pas y avoir d’intérêt à demander le Bộ Pháp Nhập Môn à un passage de CN, car cet enchaînement a dû construire les bases du candidat. A moins de vouloir justement vérifier ses bases. Les quyên de base ou encore appelés Độc luyên (afin d’éviter toutes confusions avec les « vrais » quyên) sont des outils de répétition.
Signification et terminologie.

Il y a quelques années, quelques pratiquants qui ont pris leur « indépendance » depuis, ont demandé au Maître. « Maître, c’est bizarre, le Bộ Pháp quyên est un quyên de position et il n’y a que 4 positions dans cet enchaînement, il faudrait un autre quyên de position » Le Maître les a laissé créer un quyên de position Bộ Pháp Quyên Hai…… avec les autres positions qu’il n’y a pas dans le Bộ Pháp quyên devenu Một…..

Aucun sens….

On dit qu’un quyen est une bibliothèque, en fait c’est plutôt un livre d’instruction qui raconte une histoire cohérente. On peut toujours fabriquer un enchaînement « catalogue » mais il manquera l’essence.

Quyên est traduit par « enchaînement » mais signifie aussi « poing » cela a aussi été traduit par « boxe » car les occidentaux boxent avec leurs poings, boxer a le sens de combattre. Hàu Quyên est la boxe du singe, quand on fait un enchaînement, on boxe de façon imaginaire. C’est la même signification que dans le « chuan » de Tai Chi Chuan, en mandarin romanisé (la boxe du faite suprême) ou encore kuen en cantonnais romanisé.

Bộ Pháp ne signifie pas « position » au sens de catalogue de posture.

Bộ signifie « pas » (bách bộ = les cent pas) ; manière, mais aussi catégorie, série, assortiment (de caractères, de cartes, etc…)
Pháp signifie loi, règle, modèle

Le Maître a, ensuite, changé le nom en Bộ Pháp Nhập Môn

Nhập signifie entrer, pénétrer
Môn signifie porte, école (d’arts martiaux par exemple), corporation.

L’expression « Nhập Môn » est traduite telle quelle dans le dictionnaire comme « entrer dans l’école d’un Maître, se faire son disciple »
(Dictionnaire vietnamien/français édition TÂN VIỆT, 12320 Bellaire, HOUSTON, TX. 77072)

On peut traduire Bộ Pháp Nhập Môn par l’enchaînement de série de règle pour entrer dans l’école du Maître ou encore par l’enchaînement qui façonne le corps (manière, attitude) permettant d’être un disciple.

On est loin de l’enchaînement des positions de base…..

On retrouve par contre la notion de développement de la structure corporelle pour entrer dans le moule (modèle) de l’école. A chaque réalisation, consciente, présente, attentive, de l’enchaînement (Bộ Pháp), le pratiquant passe une porte (Nhập Môn). Il se rapproche petit à petit de la forme canonique de l’école.

Notre Bộ Pháp Nhập Môn devient, alors, beaucoup plus qu’un quyên pour débutants, bien souvent enfants, car les enseignants le délaissent, à tort, pour les adultes. Il devient un outil de progression tout au long de l’évolution du pratiquant qui le redécouvre à chaque progrès.

Intéressant. Merci pour la lecture.

La suite prochainement.......

Super Thuy Long, on en apprend des choses =)

On attendra la suite avec impatience... (et le mot est faible)...

Merci beaucoup pour cet essai. Notre premier cours cette saison pour ceintures noires dispense par notre CTR était basé sur le Bo Phap Nhap Mon et il est vrai que je ne le travaille plus pareil.

Excellent, je suis friand de ce genre d'explications, vivement la suite !!

Quand j'ai débuté je trouvais le Bo Phap pas terrible, pas de coups de poings, de coups de pied, et difficile d'y trouver des techniques de combat, j'avais hâte de passer à autre chose...
Quand je voyais les gradés faire des quyens supérieurs, je les traouvais magnifiques et j'étais impatient de les apprendre.
Finalement maintenant je les délaisse de plus en plus pour revenir aux bases et aux 4 quyens QwanKi, car à chaque fois que je les revois en stage j'en apprend encore, et je me dis que le travail dessus est énorme et loin d'être terminé, tout comme leurs applications.

Même en stage du maître quand je suis en train d'apprendre un nouveau quyen pour CN, je zieute souvent du côté des gradés voir si je peux pas capter un p'tit truc que j'aurais zappé, pour corriger et améliorer mes quyen QwanKi, comme par exemple le déplacement sur les deux thoi son avant le cri dans le QK1, rien que ça, ça m'intéresse beaucoup...

Dommage que beaucoup de pratiquants ne voient les quyens que comme des étapes obligées pour passer des grades, sans comprendre ce que ça apporte à la pratique.

Comme disait mon prof (Fabrice), les bases c'est comme les fondations d'une maison, si elles sont mauvaises, la maison s'écroule !!
Alors moi perso j'adore les consolider

Excellent cet essai, je viens de découvrir le Bộ Pháp Nhập Môn ce soir et cette explication complète bien le cours.

Merci et vivement la suite

Je vois rien qu'en regardant un 2ème câp donner un coup de poing, s'il a travailler le Bô Phap ou non.

Ses répercutions (avoir fait correctement ou pas ) portent sur le long terme. Un avancé peut avoir du mal à "sentir" telle ou telle technique parceque son prof n'aura pas pris le temps suffisant pour travailler ces bases.

La suite sera présentée avec quelques images J'envisageai une présentation vidéo de cette suite, mais un "petit frère d'arme" m'a dit : "non, non, laisse les venir en stage s'ils veulent en savoir davantage"

Merci Olivier pour l'essai ! Vivement la suite !!

"pourquoi faire simple, quand on peut faire complique" ...

super cet essai, c'est toujours intéressant d'en savoir plus sur notre pratique
pur info podsol, c'est thu phap dôc luyên que l'on a vu vendredi et pas bo phap nam mon

Suite ce soir, normalement.......

Tiens, on l’a pas celui là de smiley. Vais le mettre, avec pod comme raccourci

La forme

Avant d’aborder la forme et le trajet de cet enchaînement, il est important de comprendre un minimum la terminologie (pour des pratiquants confirmés).

Tấn = exercice du corps, entraînement, gymnastique.
Trung = milieu, centre
Trung bình = moyenne, équilibre.

Si on traduit tấn juste par position, on peut y voir quelque chose de figé comme une photographie. Tấn dans le sens d’exercice du corps à un coté beaucoup plus dynamique comme doit l’être une posture dans laquelle l’ensemble du corps travaille.

Trung bình tấn = exercice du corps pour se centrer. L’approche est un peu différente.

Se centrer est important pour ressentir ses appuis. Le trung bình tấn est une position de recherche de stabilité, pour augmenter celle-ci, il faut d’une part augmenter son polygone de sustentation et abaisser son centre de gravité. Il suffit de regarder un jeune enfant qui s’apprête à faire ses premiers pas, d’abord il se stabilise en écartant les pieds et en fléchissant les genoux, avant de se lancer.
Dans le même temps, il faut ériger la colonne vertébrale, le bas du dos est arrondi, le haut du dos est étiré. Les pieds sont parfaitement à plat, ancrés dans le sol.

Important : le plan de flexion du genou est toujours parallèle à l’axe du pied, ce qui signifie que plus on descend sur sa position, plus il faut ouvrir les genoux et les pieds. C’est un des éléments majeurs de la préservation de l’intégrité physique des genoux sur le long terme.





Cette partie du quyên permet de développer la propulsion du membre supérieur. Une des raisons pour laquelle l’exercice se fait main ouverte, le poing n’est une forme de main. Quand on sait correctement utiliser le propulseur, on peut mettre n’importe quelle arme au bout. Marteau, poinçon, pointes, griffes, etc…

Le travail se fait tout d’abord en trung bình tấn car cette position permet de verrouiller le bassin (en plus de solliciter les quadriceps). La recherche de relâchement et de vitesse d’exécution des membres supérieurs nécessite une posture stable pour que le haut du corps ne soit pas entraîné par l’inertie des bras.





Par la suite, quand le pratiquant a progressé, l’exercice peut se réaliser en kiểm mã tấn, car il a acquis un gainage correct lui permettant néanmoins de rester relâché sur le haut du corps.





L’exercice se travaille à droite puis à gauche mais on pourrai démarrer de l’autre coté. La centaine de répétition semble une unité de base.

On peut également le faire un grand nombre de répétitions d’un coté puis de l’autre. L’objectif la recherche du maintien du relâchement et de la vitesse durant de nombreuses répétitions. La fatigue musculaire et la vitesse d’exécution tendent à réduire le niveau de coordination.

Cet exercice n’est pas une technique de combat. On ne verra jamais personne combattre les jambes écartées, de face. Ce passage est nécessaire au développement d’une structure (corporelle) correcte.

Je possède quelques connaissances en sciences biologiques du sport d’une part, par ma formation initiale puis des connaissances développées en autodidacte. D’autre part, mes quelques années de pratique et d’enseignement à de multiples publics, compétiteurs de haut niveau comme des baby Qwan Ki de 4 ans, en passant par des retraités débutants.
Je n’ai jamais vu de techniques martiales traditionnelles qui soient anti-physiologiques. Des traumas surviennent dans les combats et cela est inévitable, mais la pratique elle-même est (doit être) garante de la préservation de la santé quand elle est bien faite.

Les Maîtres (n’y voyez aucun asservissement mais simplement une reconnaissance de la connaissance transmise) ont vite compris qu’une pratique dans laquelle un type, et un seul, de mouvement était effectué entraînait des déséquilibres par le fait qu’on tonifiait les muscles agonistes au détriment des muscles antagonistes. Ces déséquilibres provoquent une modification du centrage des articulations qui n’ont plus le fonctionnement normal, physiologique.

Le quyên est là également comme gymnastique corporelle permettant un ré-équilibrage. Dans nos pratiques, nous avons tendance à effectuer toujours les mêmes mouvements. La nécessité veut que cela soit comme ça. On frappe on bloque on se protège vers l’avant et non vers l’arrière. Le corps humain est déjà développé en ce sens. Au niveau de l’épaule, le deltoïde antérieur à une masse supérieur au deltoïde postérieur, il est également plus puissant. Mais lorsque le travail s’intensifie encore davantage, il y a un dérèglement.

Le Bộ Pháp Nhập Môn, quand il est bien exécuté tant sur le plan qualitatif que quantitatif permet ce ré-équilibrage. Les antépulseurs sont fortement sollicités, le fait de tirer le coude en arrière re-tonifie les rétropulseurs et les interscapulaires. D’une position d’épaule vers l’avant on revient sur une position normale.




S’il l’enchaînement est mal fait et pas suffisamment, ce rôle tonificateur des antagonistes n’est pas exploité, le pratiquant pourra se plaindre de maux d’épaule en particulier à la partie antérieur de celle-ci. Une pratique régulière du Bộ Pháp Nhập Môn limite ces traumas.

La gestuelle des membres supérieurs.
L’enchaînement des membres supérieurs du Bộ Pháp Nhập contient toutes les techniques de base ou presque.













Cet enchaînement peut (doit) être décomposé. La 1ère étape consiste à préparer le travail des percussions directes.




Les avant-bras doivent plaqués contre la taille et coulissent le long de celle-ci.




Les coudes doivent rester dans l’axe des avant-bras, il faut insister pour que les épaules restent basses, élément de base du relâchement.

Les coudes ayant tendance à s’écarter, il faut insister pour les ramener vers l’arrière et les serrer.





Malgré tout, il faut être relâché lors de l’extension des bras. Pour comprendre le relâchement il faut porter attention au fait que les élèves ne mettent pas de tension excessive lors de l’exécution technique.

La position trung bình tấn doit être correctement réalisée afin de compenser le déséquilibre du corps vers l’avant dû à l’extension dynamique des bras. Les plus avancés peuvent travailler en kiểm mã tấn.




Les deux mouvements suivants à travailler sont thoi thuy dê et thoi son kim bao. Il faut partir d’un placement bras à l’horizontal dans le plan frontal, la paume de la main vers le ciel selon les possibilités de supination de chacun.



Il s’agit simplement de laisser son bras tomber le plus naturellement possible, de laisser agir la gravité. Il faut vraiment le laisser partir, lâché prise, le bras continuant sa course avec sa propre inertie. Ensuite, il faut donner une petite impulsion de départ. Quand on est relâché cela se voit car le bras, en tombant, dépasse l’axe du corps.




Lors de la recherche d’accélération du mouvement, l’épaule ne doit pas tourner trop tôt au risque d’entraîner une décoaptation de la tête humérale. Il y a, dans ce cas, un léger soulèvement empêchant la stabilisation de l’épaule, voir même risquant de la traumatiser.



Lorsque le bras tourne trop tôt, la rotation interne de l’humérus décoapte la tête humérale, celle-ci n’est plus stabilisée sur l’omoplate, le fonctionnement de l’épaule n’est plus physiologique. Et sans appui, il n’y aura aucune percussion efficace.




Enfin, le Bộ Pháp Nhập Môn peut se faire avec les anneaux. Soit on le fait en entier, soit on ne travaille que la partie étudiée ci-dessus.







Par ailleurs, pour comprendre le bien fondé de cet enchaînement/exercice, il faut s’exercer à deux, aux percussions des avant-bras.

A suivre…

Merci, un vrai régal!!!!!

Bonsoir ,
C'est EL EDRUK qui nous a envoyé le lien vers cet article.
Du coup, moi qui n'avais pas pointé le bout de mon nez depuis des lustres ai lu ton travail de recherche et d'analyse.
Comme d'habitude c'est passionnant et tellement enrichissant et un peu trop complexe pour mes connaissances très limitées.
En tous les cas merci de donner autant, c'est assez formidable.
Biz, Honey qui regarde toujours la pierre pousser.

Enjoy

Nous sommes ici pour le partage, non

Beau travail !
Bon, tu le sors quand ce livre?!?!

J'y pense, j'y pense...

Ouah!!! C'est super intéressant!!! Mais si je puis me permettre, les termes sont parfois un peu trop scientifiques, ne m'ont pas forcément permis d'appréhender toute l'essence de ce que tu as voulu expliquer. Peut-être qu'une petite vidéo commenté avec des arrêts sur images pourraient être utile...
Si tous les quyens, permettent d'apprendre autant de chose... La route est vraiment longue.
Merci beaucoup pour cette explication

Thaïb a écrit:Si tous les quyens, permettent d'apprendre autant de chose... La route est vraiment longue.

Ouais, justement c'est ça qu'est bien, y'a toujours à apprendre sur des trucs qu'on connaît déjà... ou plutôt qu'on croyait connaître

Nico a écrit:

Thaïb a écrit:Si tous les quyens, permettent d'apprendre autant de chose... La route est vraiment longue.

Ouais, justement c'est ça qu'est bien, y'a toujours à apprendre sur des trucs qu'on connaît déjà... ou plutôt qu'on croyait connaître

C'est exactement ça

Et puis après, le test , c'est le combat... parcque ça suffit de causer

Et bien vivement la suite!!!!

super ton "ptit essai"
c'est très enrichissant d'étudier les quyens analysés comme tu l'as fait
espèrons qu'il y en ait d'autres